Cet article était précédemment publié sur mon site dédié à mon activité de management de transition.

A leur création, beaucoup de sociétés vont avoir tendance à se focaliser sur l’acquisition (parfois massive) de clients (payants ou non) afin de faire connaitre leurs services ou leurs logiciels. En cas de démarrage en “Freemium”, un des objectifs sera ensuite de convertir les clients en clients payants.

En fonction du montant des contrats ciblés, il devient également intéressant de mettre en place une stratégie “Grands Comptes”, pour passer d’une approche quantitative à une approche plus personnalisée.

Devez-vous avoir des comptes clefs ?

La stratégie “Grands Comptes” doit faire partie de la stratégie de l’entreprise, pas seulement de l’équipe commerciale.
En effet, elle impact plusieurs Départements (Support / Customer Success, Chefs de Projets, Marketing…) mais surtout dépend de la stratégie de l’entreprise.

En effet, si la volonté de la société est de se focaliser sur un nombre très important de clients, avec un faible chiffre d’affaire pour chacun (ACV de moins de 10k€ annuel par exemple pour un éditeur B2B SaaS), il est clairement inutile de mettre en place un KAM (Key Account Manager).


Beaucoup de sociétés s’en sortent (plus que) très bien de cette manière. Je pense par exemple à la société Basecamp, qui souhaite s’adresser aux sociétés du Fortune 5.000.000 (par opposition au classement Fortune 500 qui représente les 500 plus grosses sociétés au monde) afin de n’être en aucun cas dépendant de quelques gros clients et souhaite limiter la barrière financière à l’entrée. Ils misent alors beaucoup sur une stratégie Marketing très réussie, en complément d’un produit très abouti.

En revanche, si vous vous dites : “nous faisons 10k de chiffre d’affaire avec la société A (une petite PME), mais également 10k€ avec la société B (un grand groupe du CAC 40), y a t’il possibilité de faire 10 fois plus avec le compte B ?”, alors il devient presque indispensable de mettre en place une relation Grands Comptes, pilotée par un KAM (Key Account Manager).

A noter que celui-ci ne sera pas forcément seul (il pourra être aidé par d’autres fonctions de l’entreprise), ni même ne s’occupera que d’un Grand Compte (tout dépend de se taille et des perspectives).

Identifier les Comptes

Une fois la décision prise, il est intéressant de prendre en compte quelques critères pour établir une liste de Grands Comptes cibles.

Pour cela, il faut se dire : “A quoi ressemble notre plus gros client ou notre client idéal ?

Si un de vos clients vous rapporte plus de 100k€ à l’année, il est alors intéressant de noter quelques-unes de ses caractéristiques :

  • son CA
  • nombre de salariés
  • son secteur d’activité
  • la typologie d’utilisateurs de votre service ou logiciel

Il est alors possible de se servir de ces critères pour :

  • établir une liste de prospects, à fournir à votre équipe Marketing pour les guider dans leurs efforts
  • chercher ces “patterns” chez vos clients existants et comparer les revenus de ces sociétés avec ceux de votre gros client.

Dans le second cas, si un écart important est constaté, vous avez une première liste de sociétés pouvant faire l’objet de votre ciblage.

Une autre façon de déterminer si un compte doit faire partie de la liste est également le côté stratégique de ce dernier.
En effet, un compte vous donne une bonne image de marque, est pourvoyeur de bonnes informations sur le marché, il est intéressant de mettre en place avec lui une relation privilégiée car il pourra vous servir de sponsor ou de référence.

Une fois la liste établie, il faut bien sûr l’amender en fonction de l’actualité, la relation actuelle avec ce client, sa santé financière, votre intérêt …

Connaître son client

Sans enfoncer de porte ouverte, il est important de bien connaitre son client (son actualité, ses cas d’usages, les interlocuteurs clefs, les concurrents présents…).
Un moyen pour y arriver est de mettre en place un “Plan de Compte“, qui est un document à initialiser et à faire vivre régulièrement.

C’est un document qui reprendra alors des éléments comme :

  • la carte d’identité (métiers, dirigeants, implantations, les métiers de l’entreprise, les filiales, le nombre de salariés)
  • l’organisation de la société
  • la cartographie de votre présence dans cette organisation
  • les clients internes ou les utilisateurs habituels de votre service
  • les concurrents
  • une analyse SWOT (par exemple)
  • le “face off” (qui parle avec qui)

Inutile de tout savoir au lancement mais il sera important, au fil des rendez-vous, de finaliser ce document avec l’ensemble des informations ainsi qu’un plan d’actions.

Posture d’écoute… et de détective

Vient ensuite une phase plus ou moins longue de prise de rendez-vous avec vos points d’entrée actuels chez votre client afin de vous assurer de leur satisfaction
L’objectif derrière cela est d’avoir bien sur un client satisfait, mais aussi un client en mesure de vous recommander auprès de ses collègues ou de sa hiérarchie et de vous en fournir leur coordonnées.

L’objectif est ensuite à deux dimensions :

  • vers le haut, en “remontant l’organigramme” afin de rencontrer des influenceurs ou des décideurs
  • transverse afin de rencontrer les homologues de vos clients, dans d’autres filiales ou d’autres Département

Une fois le compte cartographié, la relation doit alors s’installer dans la durée afin que le KAM “fasse partie du paysage” pour votre client, qui soit le point unique d’entrée (même si bien sûr, des contacts au jour le jour se font entre les équipes).
Donc sauf s’il ne fait pas l’affaire, ne changez pas de KAM tous les 6 mois ! L’intimité client ainsi créé permettra une discussion équilibrée entre le parties prenantes.

Faites alors des points de suivi réguliers avec les décideurs rencontrés précédemment. Par exemple, tous les 3 mois avec un Responsable des Achats, ou tous les mois avec un Responsable de Département dont les équipes font souvent appel à vous ou sont de grands utilisateurs de votre produit.

Intérêts

Les intérêts sont nombreux, comme par exemple :

  • S’assurer de la satisfaction globale du client et pouvoir le compter comme un sponsor (en interne, ou en externe, chez d’autres clients)
  • Augmenter le chiffre d’affaires / l’ACV
  • Augmenter les marges (en dénouant une affaire délicate par exemple)
  • Sécuriser des contrats pluri-annuels
  • Atteindre d’autres filiales ou départements
  • La possibilité de valoriser d’autres services de votre société
  • Glaner des infos sur la concurrence

Conclusions

La mise en place d’une stratégie Grands compte doit donc être une stratégie d’entreprise et pas seulement une stratégie “Sales”.
Tout le monde doit être impliqué, même si le chef d’orchestre est souvent du côté des équipes commerciales.

Il s’agit d’une course de fond : inutile donc de partir au sprint et risquer de ne pas finir la course. La relation de confiance s’installera dans la durée.
Il va sans dire qu’il faut que la relation soit de qualité, équilibrée et durable ! Si un client remonte au KAM une insatisfaction grandissante dans ses équipes et que la réponse du KAM est “Je n’y peux rien, les équipes techniques font ce qu’elles veulent”, la relation va vite d’essouffler.


Le KAM doit devenir la voix du client en interne et pousser tous les leviers qu’il a en sa possession afin de résoudre les problèmes de son client.

Attention : il faut aller là où il y a un marché !
Si le coût que représente votre KAM représente un montant supérieur à ce que vous pouvez raisonnablement espérer, revoyez votre stratégie (inside sales, CSM…)